Certaines combinaisons d’additifs alimentaires pourraient être associées au risque de diabète de type 2

Une nouvelle étude publiée le 8 avril 2025 dans la revue Plos Medicine par l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren-Cress) apporte un éclairage inédit sur l’effet potentiel des mélanges d’additifs alimentaires sur la santé. Cette recherche, dirigée par Mathilde Touvier, directrice de recherche à l’Inserm, s’appuie sur les données de la cohorte française NutriNet-Santé impliquant plus de 100 000 adultes suivis pendant une période moyenne de 7,7 ans. Ses résultats sont interpellants.


Jusqu’à présent, les études et évaluations réglementaires se concentraient principalement sur l’analyse individuelle des additifs, substance par substance. Cette approche, bien que nécessaire, ne reflète pas la réalité de notre consommation alimentaire quotidienne, où plusieurs additifs sont ingérés simultanément, notamment via les aliments ultra-transformés.

Méthodologie : une approche innovante pour évaluer les « effets cocktails »

L’originalité de cette étude repose sur son approche méthodologique visant à identifier et analyser des mélanges d’additifs fréquemment consommés ensemble. Les chercheurs ont pris en compte uniquement les additifs consommés par au moins 5% de la cohorte et ont modélisé cinq mélanges principaux représentant des combinaisons courantes dans l’alimentation.

Pour déterminer précisément l’exposition aux additifs, l’équipe a croisé plusieurs bases de données en tenant compte des dates de consommation (intégrant ainsi d’éventuelles reformulations) et a réalisé des dosages dans les aliments. Cette démarche rigoureuse renforce la fiabilité des résultats obtenus.

Deux mélanges d’additifs potentiellement problématiques identifiés

Sur les cinq mélanges étudiés, deux ont été associés à une incidence plus élevée de diabète de type 2, indépendamment de la qualité nutritionnelle globale du régime alimentaire et des facteurs sociodémographiques et de mode de vie :

  1. Un mélange d’émulsifiants et autres additifs : composé principalement d’amidons modifiés, pectine, gomme de guar, carraghénanes, polyphosphates, gomme xanthane, sorbate de potassium et curcumine. Ces additifs se retrouvent couramment dans les bouillons, desserts lactés, matières grasses et sauces.
  2. Un mélange d’additifs caractéristiques des boissons édulcorées et sodas : comprenant des acidifiants (acide citrique, citrates de sodium, acide phosphorique, acide malique), des colorants (caramel au sulfite d’ammonium, anthocyanes, extrait de paprika), des édulcorants (acésulfame-K, aspartame, sucralose), des émulsifiants (gomme arabique, pectine, gomme de guar) et un agent d’enrobage (cire de carnauba).

Particulièrement intéressant, l’étude a également détecté des interactions entre les additifs de ces mélanges, suggérant des effets de synergie (renforcement mutuel) ou d’antagonisme (atténuation) entre certaines substances.

Quelles implications pour l’industrie agroalimentaire ?

Une opportunité pour l’innovation responsable

Ces résultats, bien qu’ils nécessitent d’être confirmés par des études complémentaires, représentent une opportunité pour les fabricants d’ingrédients et les industriels de l’agroalimentaire de se positionner à l’avant-garde d’une innovation responsable. La reformulation des produits pourrait constituer un axe stratégique majeur dans les prochaines années.

De l’évaluation individuelle à l’approche systémique

L’un des enseignements majeurs de cette étude est la nécessité d’adopter une approche plus systémique dans l’évaluation des additifs alimentaires. Marie Payen de la Garanderie, première autrice des travaux, souligne que:

« Ces substances pourraient représenter un facteur de risque modifiable, ouvrant la voie à des stratégies de prévention du diabète de type 2« .

Pour les professionnels du secteur, cela implique de repenser les processus de développement et de test des formulations, en intégrant une évaluation des interactions potentielles entre additifs.

Transparence et communication : un enjeu stratégique

Face à la sensibilité croissante des consommateurs aux questions de santé et à la composition des produits, la transparence devient un atout concurrentiel majeur. Les entreprises capables de démontrer une démarche proactive dans l’évaluation et la communication sur les additifs utilisés pourront transformer cette contrainte en opportunité de différenciation.

Pistes d’action

  1. Anticiper les évolutions réglementaires : Cette étude pourrait influencer les futures évaluations de l’EFSA et les réglementations européennes concernant les additifs alimentaires. Intégrer dès maintenant cette dimension dans la veille réglementaire permettra d’anticiper les changements potentiels.
  2. Investir dans la R&D sur les alternatives naturelles : Le développement d’alternatives aux additifs identifiés comme potentiellement problématiques représente un axe d’innovation stratégique pour les fournisseurs d’ingrédients.
  3. Adopter une approche « clean label » réfléchie : Au-delà du simple retrait des additifs controversés, une réflexion sur les interactions entre ingrédients et leur impact global sur la santé devient nécessaire pour une démarche « clean label » véritablement pertinente.

Une interprétation mesurée des résultats

Il est important de rappeler, comme le souligne Mathilde Touvier, que « cette étude observationnelle ne suffit pas, à elle seule, à établir de lien de causalité« . Les résultats doivent être interprétés avec prudence et mis en perspective avec l’ensemble des données scientifiques disponibles.

Néanmoins, ces observations convergent avec des travaux expérimentaux récents suggérant de possibles « effets cocktails » entre additifs alimentaires. Une étude publiée en février 2025 dans Food Chemical Toxicology (Recoules et al.) avait déjà mis en évidence des effets toxiques potentiels de certains mélanges d’additifs sur des modèles cellulaires humains.

Conclusion : vers une approche intégrée de la formulation

Cette nouvelle étude ouvre de nouvelles perspectives dans l’évaluation des additifs alimentaires en soulignant l’importance de considérer leurs interactions potentielles. Pour vous, il ne s’agit pas tant d’une remise en question globale de l’utilisation des additifs que d’une invitation à adopter une approche plus intégrée et systémique de la formulation des produits.

La vigilance et la transparence seront les maîtres-mots pour naviguer dans ce contexte évolutif, tout en préservant l’innovation et la compétitivité du secteur. Les entreprises qui sauront transformer cette contrainte en opportunité d’innovation responsable seront certainement les mieux positionnées pour répondre aux attentes croissantes des consommateurs en matière de santé et de naturalité.

Source:

Cynthia Recoules, Mathilde Touvier, Fabrice Pierre, Marc Audebert. Food Chem Toxicol. 2025 Feb:196:115198. doi: 10.1016/j.fct.2024.115198. Epub 2024 Dec 14. Evaluation of the toxic effects of food additives, alone or in mixture, in four human cell models.

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