EAT-Lancet 2025 : le GPS stratégique (enfin) pour l’industrie des ingrédients

EAT-Lancet 2025 ne théorise plus : il donne le mode d’emploi. Pour tenir santé publique, climat et pouvoir d’achat d’ici 2050, il faut co-activer quatre leviers : faire basculer l’assiette vers le Planetary Health Diet (PHD), produire mieux (agro/éco-intensification, décarbonation, eau, N/P), réduire pertes & gaspillages (FLW) et garantir l’accès (prix, formats, politiques publiques). Pris isolément, aucun levier ne suffit. Le rapport 2025 traduit donc les limites planétaires en objectifs sectoriels pour l’alimentation et intègre la justice comme contrainte de conception. Question pour les fournisseurs d’ingrédients : que faire dès janvier 2026 ?

Le triptyque santé–climat–accès devient praticable

Le PHD est une enveloppe flexible : plus de céréales complètes, légumineuses, noix/graines, fruits/légumes ; des huiles insaturées ; laitages/œufs/poissons/volailles en quantités modérées ; peu de viandes rouges et de sucres ajoutés. Les données récentes confirment qu’y converger réduit les risques chroniques et la mortalité. En parallèle, EAT-Lancet 2025 alloue à l’alimentation une part mesurable de l’« espace sûr et juste » (climat, terres, eau, flux N/P, biodiversité). L’accès n’est plus une note RSE : il devient un critère de réussite.

Six limites planétaires sur neuf sont déjà dépassées. Le système alimentaire contribue directement à la dégradation du climat, des sols, de l’eau et de la biodiversité.
Source : EAT-Lancet 2025.

Ce que contient le rapport Eat-Lancet 2025 — sans jargon

  1. Repères PHD populationnels (Table 1) : des plages pour guider politiques et offres, sans prescrire l’individuel.
  2. Food system boundaries : plafonds sectoriels (ex. budget GES < ~5 Gt CO₂e/an, zéro conversion nette d’écosystèmes intacts, retraits d’eau compatibles, plafonds excédents N/P).
  3. Trajectoires 2050 : comparaisons BAU vs combinaisons de leviers ; aucun levier seul n’équilibre santé, climat et prix.
  4. Justice : subventions ciblées, achats publics, chaîne du froid, logistique ; l’accès devient prérequis stratégique.
La majorité des pays se situent hors de la “zone sûre et juste” : 6,9 milliards de personnes au-dessus des limites écologiques ou sous le socle social minimal.
Source : EAT-Lancet 2025.

Quatre leviers — ensemble, sinon rien

  • Changer l’assiette (PHD) : + légumineuses/fibres/noix/céréales complètes, – viandes rouges/sucres ajoutés.
  • Produire mieux : rotations avec légumineuses, couverts, agroforesterie, biocontrôle ; énergie décarbonée ; gestion fine de l’eau et des nutriments.
  • FLW : pertes post-récolte, chaîne du froid, specs, étiquetage dates/portions, valorisation des coproduits.
  • Accès : prix, formats, politiques publiques, infrastructures.
Les pressions environnementales du système alimentaire se concentrent sur quelques “hotspots” : Inde, Chine, Europe et Moyen-Orient. Les marges de progrès y sont les plus fortes.
Source : EAT-Lancet 2025

Pris isolément, un signal carbone/foncier renchérit souvent le panier ; combiné aux trois autres, il devient soutenable et efficace.

Le système alimentaire génère environ 30 % des émissions mondiales de GES, dominées par le méthane (53 %) et le protoxyde d’azote (26 %).
Source : EAT-Lancet 2025.

Feuille de route opérationnelle (fournisseurs d’ingrédients, Europe)

Repenser le portefeuille — santé et empreinte

Les modélisations EAT-Lancet prévoient une baisse de 30 à 40 % des productions animales et une hausse de 15 % des produits aquatiques d’ici 2050.
Source : EAT-Lancet 2025.
  • Protéines végétales EU (pois, fèves, lentilles, soja EU) : viser fonctionnalités (gels/émulsions/texture), digestibilité, coûts d’extrusion/fermentation.
  • Fibres & céréales complètes : intégration mainstream (panification, pâtes, snacks) sans alourdir les listes ; densité nutritionnelle accrue.
  • Huiles insaturées & blends (colza/olive/tournesol HO) : réduction AGS sans perte de stabilité/agrément.
  • Micronutrition ciblée (fer/iode/calcium/vit. D/B12 si pertinent) ; matrices fermentées/levures nutritionnelles pour la biodisponibilité.
  • Alternatives végétales/fermentées/cultivées : transparence nutritionnelle ; recettes sobres en sel/sucres/AGS.

Sécuriser le sourcing — la preuve par la chaîne

  • Agri éco-intensifiée : rotations légumineuses, couverts, agroforesterie, biocontrôle ; clauses « zéro expansion » sur habitats intacts ; primes indexées N/P et biodiversité.
  • Énergie & procédés : PPA/biogaz/chaleur fatale, électrification quand pertinent ; ACV ISO 14040/44 tierces.
  • Eau & nutriments : hors bassins en stress, irrigation de précision, variétés tolérantes ; pilotage N/P, valorisation des coproduits.
  • Froid & emballage : fluides à faible PRG, taux de charge optimisé, packaging circulaire.
  • Traçabilité : données lot-niveau (origine, pratiques, eau, N/P), auditabilité indépendante.

Créer la demande — reformulation & politiques intelligentes

  • Feuilles de route par catégorie (snacking, plats cuisinés, boissons) : + légumineuses + fibres, – sel – sucres – AGS ; tests sensoriels rigoureux.
  • Foodservice & achats publics : offres cantines/hôpitaux, kits recettes, formation ; marchés publics = accélérateur de l’adoption.
  • Anti-FLW : tailles/portions/dates pertinentes, specs standardisées intelligemment, revalorisation coproduits.
  • Plaidoyer : aides vers légumineuses/noix/VFN, fiscalité nutritionnelle neutre en recettes, normalisation nutrition × écosystème.

Piloter les risques — des chiffres, pas des slogans

  • Résilience : double sourcing UE, clauses d’indexation énergie/intrants, stocks tampons.
  • Conformité & preuves : fiches techniques enrichies, traçabilité numérique, audits fournisseurs.
  • Acceptabilité : clean label, allergènes, texture & goût irréprochables ; co-développement R&D client final, panels consommateurs.
  • Équité : clauses sociales, délais de paiement responsables, accompagnement technique des petits producteurs.

Tableau récapitulatif — 4 leviers, objectifs, actions, KPIs

LevierObjectif 2050 (esprit du rapport)Actions côté fournisseursKPIs de suivi (trimestriels)
Diète (PHD)Part végétale ↑, santé publique ↑Gammes protéines végétales EU, fibres/céréales complètes, huiles insaturées ; reformulation –sel/–sucres/–AGS ; fortification ciblée% recettes alignées PHD ; g fibres/100 g ; conformité seuils sel/sucres/AGS ; part ventes « PHD-positives »
Productivité durableEmpreinte/unité ↓ dans les bornesRotations légumineuses, couverts, agroforesterie ; énergie décarbonée ; bassins non critiques ; froid sobreg CO₂e/kg ; % EnR ; m³ blue water/kg ; kg N/P par tonne
FLWPertes/gaspillages ↓Standardisation specs, formats/portions/dates intelligents, valorisation coproduits, chaîne froide efficiente% pertes amont/aval ; coproduits valorisés ; performance chaîne froide
Accès/prixPanier sain abordable & disponibleSKUs « valeur » riches en légumineuses/céréales ; offres Foodservice ; participation achats publics ; plaidoyerPrix panier « valeur » (€/1000 kcal) ; volumes Foodservice/public ; délais de paiement PME

Roadmap 2026–2030 — l’agenda non négociable

AnnéeActions structurantesJalons mesurables
2026ACV portefeuille ; pilotes rotations légumineuses ; 3 reformulations PHD ; plan anti-gaspillage ; premiers PPABaseline établie ; –10 % FLW entrepôt ; PPA signés
2027Extension sourcing éco-intensifié ; 2 gammes fibres/protéinesMarchés publics cantines/hôpitaux sécurisés
202860 % volumes traçables au lot ; publication KPIs eau/N-P–20 % FLW ; reporting ESG public
202980 % portefeuille aligné PHD (catégories clés)Partenariats retail structurants
2030Jalons climat/eau/N-P atteintsReporting intégré (financier + impact), audit tiers

FAQ — les 10 questions qu’on vous posera

  1. Le PHD est-il réaliste culturellement ? Oui : cadre adaptable. Les substitutions progressives font l’essentiel.
  2. Faut-il bannir l’ultra-transformation ? Non par principe ; regarder densité nutritionnelle, sel/sucres/AGS, liste d’ingrédients, transparence.
  3. Les alternatives végétales sont-elles « mieux » ? En général mieux pour climat/terres ; nutrition variable selon formulations.
  4. Viandes cultivées/fermentation ? Dépendance à l’électricité décarbonée, coûts et acceptabilité encore incertains.
  5. Les prix vont-ils exploser ? Mitigation seule : hausse probable. PHD + productivité + FLW : amortissement, voire baisse selon régions.
  6. Quick wins anti-gaspillage ? Chaîne du froid, pertes post-récolte VFN, specs, dates/portions, coproduits.
  7. Priorités R&D ? Texturation légumineuses, stabilité huiles, biodisponibilité micronutriments, matrices fermentées, ACV robustes.
  8. Comment prouver ? ACV tierces, traçabilité lot, KPIs publiés, périmètre clair.
  9. Risques réglementaires ? Pas d’allégations non validées, alignement labels/normes, préparation achats publics/normalisation.
  10. Par où commencer ? 3 reformulations PHD/catégorie, 2 filières légumineuses EU sécurisées, –15/–20 % FLW entrepôt.

Conclusion — du discours aux preuves

EAT-Lancet 2025 fournit une trajectoire praticable : PHD + produire mieux + FLW + accès. Les fournisseurs qui alignent portefeuille, sourcing et preuves auditables prendront l’avantage dès 2026. Prochaine étape : KPIs trimestriels publiés et offres concrètes pour la distribution, le foodservice et les achats publics.

Huit leviers et vingt-trois actions structurent la transition alimentaire : diète saine, écosystèmes intacts, circularité, équité et gouvernance inclusive.
Source : EAT-Lancet 2025

Références



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