Obésité infantile : le surpoids dépasse l’insuffisance pondérale dans le monde

En 2025, pour la première fois, l’UNICEF constate un basculement historique : l’obésité touche désormais plus d’enfants et d’adolescents que l’insuffisance pondérale. Près de 188 millions de jeunes âgés de 5 à 19 ans (9,4 %) vivent avec l’obésité, contre 9,2 % en insuffisance pondérale. Cette évolution de l’obésité infantile marque un tournant majeur de la malnutrition mondiale et met en lumière l’impact direct des environnements alimentaires dominés par les produits ultra-transformés.

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Une pandémie silencieuse qui progresse rapidement

Les chiffres sont sans appel. Depuis 2000, le nombre d’enfants et d’adolescents en surpoids a doublé, passant de 194 à 391 millions. Parmi eux, 163 millions sont déjà obèses, soit 42 % des cas de surpoids, contre 30 % en 2000. Autrement dit, la progression n’est pas seulement quantitative, elle est aussi qualitative : l’obésité prend une part croissante et plus difficile à inverser.

Si l’on zoome par régions, l’Asie du Sud illustre cette mutation : sa prévalence du surpoids a été multipliée par cinq entre 2000 et 2022. L’Asie de l’Est et le Pacifique, l’Amérique latine et le Moyen-Orient affichent aussi une hausse d’au moins 10 points de pourcentage en deux décennies. Ces dynamiques révèlent un déplacement du problème vers les pays à revenu faible et intermédiaire, qui supportent aujourd’hui 81 % de la charge mondiale du surpoids (contre 66 % en 2000).

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Des contrastes géographiques saisissants

Le rapport met en évidence des disparités extrêmes. Dans certains pays insulaires du Pacifique, l’obésité infantile atteint des records : 38 % à Nioué, 37 % aux Îles Cook et 33 % à Nauru. Ces taux ont doublé depuis 2000, conséquence directe de l’abandon des régimes traditionnels au profit d’aliments importés, riches en calories mais pauvres en nutriments.

Dans les pays à revenu élevé, la situation reste préoccupante : 27 % des enfants chiliens, 21 % des Américains et 21 % des Émiratis sont obèses. Ici, la corrélation avec la pauvreté est marquée : les familles les plus modestes sont les plus exposées à une alimentation déséquilibrée, faute d’accès à des produits frais abordables.

L’influence massive des environnements alimentaires sur l’obésité infantile

L’UNICEF insiste : les choix alimentaires des enfants ne sont plus individuels mais structurés par des environnements dominés par les aliments ultra-transformés. Ceux-ci représentent jusqu’à 50 % de l’apport énergétique des adolescents en Australie, au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni. En Argentine, Belgique, Chili et Mexique, ils dépassent déjà un tiers de l’apport quotidien.

Obésité infantile: la consommation de boissons sucrées
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Ces produits, souvent moins chers grâce aux subventions agricoles (maïs, blé, soja), envahissent les supermarchés, infiltrent les écoles et bénéficient d’un marketing ciblé d’une efficacité redoutable. Résultat : en 2024, 75 % des jeunes de 13 à 24 ans interrogés dans 171 pays déclaraient avoir vu des publicités pour des boissons sucrées, des snacks ou de la restauration rapide dans la semaine écoulée. Dans les pays à revenu intermédiaire supérieur, ce chiffre grimpe à 90 %. Même dans les pays en conflit, 68 % des jeunes se disent exposés. Le marketing ne s’arrêterait donc pas en temps de guerre…

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Un coût sanitaire et économique colossal

L’obésité infantile ne se limite pas à un enjeu de poids. Elle augmente le risque de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires et de certains cancers dès l’âge adulte. À court terme, elle pèse aussi sur la santé mentale des jeunes : estime de soi fragile, anxiété, dépression.

Pour les familles, la facture est lourde : frais médicaux accrus, perte de revenus pour soigner les enfants. Pour les États, les coûts s’annoncent vertigineux : 210 milliards de dollars rien qu’au Pérou, et plus de 4 000 milliards de dollars par an d’ici 2035 au niveau mondial si aucune action n’est entreprise.

Des lueurs d’espoir : l’exemple du Mexique

Certaines politiques publiques montrent qu’il est possible d’inverser la tendance. Au Mexique, où les boissons sucrées et les ultra-transformés représentent 40 % des apports caloriques des enfants, une loi interdit désormais leur vente et distribution dans les écoles publiques. Plus de 34 millions d’élèves bénéficient de cette mesure, qui améliore concrètement leur environnement alimentaire.

Des pays comme le Chili ou le Brésil ont également mis en place des cadres réglementaires robustes, combinant étiquetage frontal clair, taxation des sodas et restrictions marketing. Ces approches systémiques commencent à inspirer d’autres régions.

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Les recommandations clés de l’UNICEF sur l’obésité infantile

Le rapport 2025 propose huit axes majeurs pour transformer les environnements alimentaires :

  1. Appliquer le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel et encadrer strictement la promotion des aliments pour nourrissons.
  2. Mettre en place des mesures obligatoires et complètes : taxation des produits néfastes, étiquetage clair, interdictions de vente dans les écoles, reformulation.
  3. Améliorer l’accessibilité financière aux aliments nutritifs via des subventions agricoles orientées vers les produits frais et locaux.
  4. Protéger les politiques publiques de l’ingérence industrielle, avec transparence et contrôle du lobbying.
  5. Renforcer les campagnes sociales et comportementales pour sensibiliser familles et communautés.
  6. Étendre la protection sociale afin de garantir l’accès des plus vulnérables à une alimentation saine.
  7. Inclure les jeunes dans les politiques alimentaires, en amplifiant leur voix et leurs revendications.
  8. Améliorer la collecte et la surveillance des données pour mesurer les progrès et ajuster les actions.

Perspectives pour les acteurs du secteur alimentaire

Pour les entreprises agroalimentaires, ce rapport envoie un signal clair : la tolérance sociétale vis-à-vis des pratiques de l’industrie des ultra-transformés est en train de s’éroder. Les recommandations de l’UNICEF ouvrent la voie à des politiques de plus en plus contraignantes.

Mais il y a aussi une opportunité : développer et rendre accessibles des alternatives nutritives, locales et abordables. Les acteurs capables de réorienter leur R&D, leur sourcing et leur communication vers cette demande émergente auront une longueur d’avance dans un marché où les consommateurs, les pouvoirs publics et les investisseurs réclament plus de responsabilité.

Conclusion : un appel à l’action collective contre l’obésité infantile

L’édition 2025 du Rapport sur la nutrition des enfants est un avertissement. Pour la première fois, l’obésité dépasse l’insuffisance pondérale. L’équation est claire : sans changement rapide, le coût humain et économique sera insoutenable. Mais l’histoire récente montre que des mesures ambitieuses peuvent fonctionner.

Et vous, dans votre organisation, avez-vous amorcé le virage vers des environnements alimentaires plus sains pour les jeunes générations ?

Référence

Pour accéder au rapport en plusieurs langues : https://www.unicef.org/reports/feeding-profit

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