Les boissons conditionnées dans des bouteilles en verre contiennent, en moyenne, davantage de microplastiques que celles en plastique, canettes ou briques. C’est l’un des résultats inattendus de l’étude menée en 2023 par l’ANSES et publiée en 2025 dans le Journal of Food Composition and Analysis. Petit résumé de l’étude.
Contrairement aux idées reçues, le verre n’est pas le contenant le plus sûr face à la contamination par microplastiques (MPs). L’étude montre que :
- Les bières (82,9 ± 13,9 MPs/L), colas (31,4 ± 16 MPs/L), thés glacés (28,5 ± 13,1 MPs/L) et citronnades (45,2 ± 21,4 MPs/L) en bouteilles de verre sont les plus contaminées.
- L’eau embouteillée présente une contamination bien plus faible (2,9 ± 0,7 MPs/L en moyenne), mais là encore, les bouteilles en verre (4,5 MPs/L) sont plus contaminées que les plastiques (1,6 MPs/L).
- Le vin fait exception : les plus fortes contaminations ont été retrouvées dans les briques (30,0 ± 16,9 MPs/L), non dans le verre (5,3 MPs/L).
Les auteurs notent : « Tous les types de boissons analysées sont contaminés, mais avec des niveaux très variables selon le type de contenant. »
Une source identifiée : la peinture des capsules métalliques
Pourquoi le verre est-il plus contaminé ? L’enquête expérimentale menée par l’équipe montre que la principale source n’est pas le verre lui-même, mais la peinture extérieure des capsules métalliques (bouchons vissés).
Les microplastiques retrouvés dans les boissons en verre sont souvent de la même couleur que les capsules. L’analyse par spectroscopie infrarouge (µFT-IR) a confirmé qu’il s’agissait de polyesters ou de laques alkydes, identiques à la composition des peintures de capsules.
Des tests en laboratoire ont montré que :
- Une capsule non nettoyée avant vissage libère en moyenne 287 MPs/L dans une bouteille.
- Après un soufflage (air) : 105 MPs/L.
- Après un soufflage + rinçage à l’eau/éthanol : 86 MPs/L.
Autrement dit, le nettoyage des capsules réduit fortement la contamination, mais ne l’élimine pas totalement.
Quelle taille de microplastiques ? Quelle matière ?
L’étude a caractérisé les MPs selon leur forme, taille et nature :
- Formes : 90 à 97 % des microplastiques détectés étaient des fragments, le reste étant des fibres.
- Tailles : entre 30 et 500 µm, principalement dans les classes 50–100 µm et 100–500 µm.
- Polymères : les plus fréquents sont des polyesters (PET, résines alkydes), suivis par des polyoléfines (PE, PP), des polyméthacrylates et des polystyrènes.
Les microplastiques sont présents même dans les boissons non gazeuses, et aucune marque ni origine de boisson (eau de source vs minérale) n’est totalement épargnée.
Une première en France, un défi pour l’industrie
C’est la première étude à documenter la présence de microplastiques dans des boissons courantes vendues en France, en tenant compte de l’effet des types de conditionnement. Elle souligne :
- L’absence de réglementation européenne sur les microplastiques dans les boissons autres que l’eau potable.
- L’urgence de mieux contrôler la qualité des matériaux de bouchage, en particulier des capsules métalliques peintes.
Comme le résume l’article :
« Ces résultats montrent que des actions simples, comme le nettoyage des capsules avant vissage, peuvent significativement limiter la contamination. »
Que retenir pour les acteurs de l’agroalimentaire et des boissons ?
Cette étude invite à repenser certains réflexes industriels. Parmi les implications :
- Le verre n’est pas synonyme de pureté : il convient de réévaluer les risques liés aux bouchons vissés.
- Le choix des matériaux et des encres de décoration devient stratégique dans une perspective de clean label et de sécurité sanitaire.
- L’analyse de la chaîne de production (capsules, embouteillage, stockage) doit être renforcée pour prévenir toute contamination.
Conclusion : un enjeu invisible mais bien réel
L’étude française, rigoureuse et pionnière, alerte sans alarmer : les microplastiques sont omniprésents, et leur origine est parfois contre-intuitive. Tant que l’impact toxicologique reste incertain, la réduction à la source est la meilleure stratégie de précaution.
Références
Chaïb I., Doyen P., Merveillie P., Dehaut A., Duflos G. (2025). Microplastic contaminations in a set of beverages sold in France. Journal of Food Composition and Analysis, 144, 107719. https://doi.org/10.1016/j.jfca.2025.107719